Faire du champagne, ce n’est pas simplement vinifier un vin effervescent. C’est suivre un processus précis, codifié, rigoureux, propre à la Champagne : la méthode traditionnelle.
De la vendange au bouchage, chaque étape joue un rôle clé dans l’équilibre, la finesse et la complexité du vin. Voici, étape par étape, comment naît un champagne.
Table des matières

La vendange
En Champagne, la vendange est manuelle et obligatoire. Cela permet de préserver les grappes entières pour un pressurage délicat, sans oxydation.
Les raisins sont récoltés à maturité modérée : entre 9,5 et 10,5 % d’alcool potentiel, avec une acidité marquée. On cherche la fraîcheur, la tension et la finesse, pas la puissance.
Les trois cépages principaux sont :
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Pinot noir : structure et fruit
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Meunier : souplesse et rondeur
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Chardonnay : finesse et vivacité
Chaque cépage est vinifié séparément pour permettre des assemblages précis par la suite.

Le pressurage
Le pressurage champenois est très spécifique : il est conçu pour extraire uniquement le jus le plus pur, sans matières végétales.
Les grappes entières sont pressées lentement, en plusieurs fractions :
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La cuvée : le premier jus (20,5 hL pour 4 000 kg de raisins) — le plus fin, le plus acide.
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La taille : le jus suivant (5 hL) — plus riche, mais moins noble.
Chaque fraction est vinifiée à part. Le pressurage est toujours réalisé à proximité immédiate des vignes, pour limiter l’oxydation. Les pressoirs agréés sont strictement contrôlés par l’appellation.

La première fermentation (alcoolique)
Après le débourbage (on laisse reposer le moût pour éliminer les particules solides), le jus clair est mis en cuve ou en fût pour fermenter.
Les levures transforment les sucres en alcool. On obtient un vin tranquille, sec, sans bulles, à 10–11 % vol., avec une acidité élevée. La fermentation dure 1 à 2 semaines, à température contrôlée (18–20 °C).
Certains choix techniques influencent le style du vin :
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Fermentation malolactique : adoucit l’acidité, apporte des notes lactées (beurre, yaourt).
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Élevage en fût : structure, rondeur, arômes boisés ou toastés.
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Élevage sur lies : plus de gras, de texture, et des arômes de brioche ou de pain grillé.
Chaque cuvée est vinifiée séparément pour conserver la précision aromatique avant l’assemblage.

L’assemblage
L’assemblage est une étape clé en Champagne. Il consiste à mélanger différentes cuvées pour construire le style du vin final.
On assemble :
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Plusieurs cépages : pinot noir, meunier, chardonnay
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Plusieurs crus (villages)
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Et souvent plusieurs années : les vins de réserve ajoutent complexité et équilibre
Le but : obtenir un vin constant d’une année sur l’autre (dans les bruts sans année) ou exprimer un millésime particulier dans les cuvées millésimées.
Ce travail demande précision et mémoire sensorielle : l’assemblage détermine l’équilibre entre fraîcheur, fruit, structure et potentiel de garde.
La prise de mousse (seconde fermentation en bouteille)
Une fois l’assemblage terminé, on ajoute au vin une liqueur de tirage (sucre + levures). Le vin est ensuite embouteillé et fermé provisoirement avec une capsule métallique.
Dans la bouteille, une seconde fermentation démarre. Les levures consomment le sucre et produisent :
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de l’alcool
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et surtout du gaz carbonique, qui reste emprisonné : c’est la naissance des bulles.
Cette étape dure environ 6 à 8 semaines, à basse température (10–12 °C). On parle alors de prise de mousse.
C’est ce processus, propre à la méthode traditionnelle, qui donne au champagne sa finesse effervescente.
Le vieillissement sur lies
Après la prise de mousse, les bouteilles restent couchées, bouchées par capsule, pour un vieillissement sur lies (les levures mortes issues de la seconde fermentation).
Pendant cette phase, le vin gagne en complexité. Les lies libèrent des composés aromatiques (autolyse), ce qui apporte :
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de la rondeur,
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une texture plus fine,
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et des arômes de brioche, noisette, pain grillé.
La durée est réglementée :
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15 mois minimum pour un brut sans année,
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36 mois minimum pour un millésimé,
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mais beaucoup de grandes cuvées dépassent 5 à 10 ans.
C’est un moment clé pour affiner le style et développer la signature aromatique du champagne.

Le remuage
Une fois le vieillissement terminé, il faut éliminer les dépôts de levures. C’est l’objectif du remuage : on incline progressivement les bouteilles vers le bas et on les fait tourner légèrement.
Ce mouvement quotidien pousse les lies vers le goulot, sans les mélanger au vin.
Deux méthodes existent :
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Remuage manuel (sur pupitres) : lent, traditionnel, très précis.
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Remuage mécanique (gyropalette) : automatisé, plus rapide, très répandu.
Le remuage prépare l’étape suivante : le dégorgement, qui permet d’expulser ces dépôts.
crédit photo : Pol Roger

Le dégorgement
Le dégorgement consiste à éliminer le dépôt de levures accumulé dans le goulot après le remuage.
On plonge le col de la bouteille dans un bain de saumure à −25 °C : le dépôt gèle en un petit glaçon. À l’ouverture, la pression expulse ce glaçon, emportant les lies.
Ce geste, rapide mais délicat, permet d’obtenir un vin clair, net, prêt à être ajusté.
C’est aussi un tournant : après des mois ou années sur lies, le vin reprend contact avec l’oxygène, ce qui amorce son évolution en bouteille.
Le dosage
Après le dégorgement, on ajoute une liqueur d’expédition (vin + sucre) pour ajuster le style du champagne. C’est le dosage.
Il définit le niveau de sucrosité du vin. Quelques repères :
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Brut nature : 0 à 3 g/L
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Extra brut : 0 à 6 g/L
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Brut : jusqu’à 12 g/L
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Demi-sec : entre 32 et 50 g/L
Un dosage bas met en valeur la pureté et la tension du vin. Un dosage plus élevé apporte rondeur et accessibilité.
Chaque maison dose selon son style : le dosage est l’ultime réglage du champagne.
Le bouchage
Après le dosage, le champagne est rebouché définitivement avec un bouchon en liège, maintenu par un muselet métallique. Ce bouchage supporte la pression (6 bars) tout en assurant une étanchéité durable.
Le vin peut ensuite reposer encore plusieurs mois avant commercialisation, pour retrouver son équilibre après le dégorgement.
C’est la dernière étape avant l’étiquetage, l’habillage et la mise en marché. Le champagne est alors prêt à être dégusté — ou conservé pour encore vieillir en cave.

Pour aller plus loin
Ce processus de vinification s’applique à l’ensemble des champagnes d’appellation, quels que soient le style ou le niveau de gamme. Des petits producteurs indépendants comme Henriot ou Drappier aux grandes maisons comme Moët & Chandon, Bollinger ou Deutz, tous suivent cette méthode traditionnelle, avec leurs propres choix à chaque étape : cépages, assemblages, durées d’élevage ou niveau de dosage.
C’est ce qui explique la richesse et la diversité des cuvées que l’on retrouve aujourd’hui sur le marché. Si vous souhaitez explorer ces différences, notre sélection regroupe un large éventail de profils, de terroirs et de maisons, pour mieux comprendre ce que la méthode champenoise permet d’exprimer.
👉 Découvrir les champagnes Ruinart
👉 Découvrir les champagnes Perrier-Jouët
👉 Découvrir les champagnes Louis Roederer
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